Buralistes VS vape shops : La guerre du marché de la cigarette électronique est lancée.

Fin 2018, le fondateur du site e-commerce Kumulus Vape annonce cesser de distribuer les marques d’e-liquide qui travaillent avec les buralistes. Rémi Baert, fondateur du site, ajoute inclure dans cette décision la grande distribution et les stations-services, mais aussi tous les annonceurs qui s’apprêtent à revendre à des commerces autres que les vapes shops.

Buralistes vs Vape shops ? Une légitimité en jeu ?

Pourtant, depuis trois ans, la cigarette électronique tend à se démocratiser et on comptabilise de plus en plus de vapoteurs.

Pourquoi les clients se tournent-ils vers la e-cigarette ?

La plupart du temps, par contrainte financière. Le prix des paquets de cigarettes grimpe d’année en année, et le pouvoir d’achat n’augmente pas. La plupart du temps les fumeurs ne sont pas prêts à arrêter de fumer et cherchent des solutions moins coûteuses. Les vapes shops, précurseurs du marché, ont émergés dès 2014 répondant ainsi à la demande du moment. Des magasins spécialisés voient le jour : le business est florissant jusqu’au jour où les Buralistes entrent en jeu. Les bureaux de tabac pris à la gorge par les taxations du tabac tendent à se renouveler et proposer à leurs clients des solutions intermédiaires qui restent dans l’univers de la cigarette. La guerre commence alors.

Les Vape Shops revendiquent leur légitimité sur le secteur, certains lancent même un appel au boycott’. Quels sont leurs arguments ?

D’après les détracteurs, les buralistes ne sont pas légitimes pour vendre de la vape et s’appuie sur la notion de sevrage. Vendre des e-liquides dans les bureaux de tabac apparaîtrait comme contraire à la philosophie défendue par la vape.

« Un alcoolique qui souhaite se sevrer ne va pas acheter son eau dans un bar. » explique Rémi Baert.

Mais d’après Marie S. buraliste en Ile De France, cet argument ne tient pas. Marie tient son bureau de tabac depuis 12 ans et elle a vu le secteur évoluer voire se transformer en une petite décennie. Marie explique que les Buralistes sont justement les plus légitimes dans ce domaine. Elle donne pour exemple l’augmentation des ventes de tabac à rouler lorsque les prix des paquets ont commencé à grimper.

« Dans un monde idéal 70% de mes clients souhaiteraient continuer à fumer. Un fumeur qui se dirige vers la vape et ne choisit pas d’accompagnement médical complémentaire veut juste préserver son pouvoir d’achat. Il souhaite continuer à s’offrir un plaisir qu’il se voit arracher par des contraintes financières. D’autres veulent arrêter de fumer en douceur et diminuer peu à peu pour se libérer des contraintes financières que l’Etat leur impose année après année. »

Jean-Paul M., buraliste depuis 27 ans en Ile de France a lui une idée bien arrêtée sur la question. Les ventes de cigarettes chutent de plus en plus tandis que la vente de e-cigarette augmente de plus en plus. Pour lui il s’agit d’une guerre de marché et la morale n’a rien à faire dedans.

Les magasins de vape shops font beaucoup de comm’ sur les produits de e-liquides qui sont variés, funs, goûteux et ont des designs de plus en plus légers, jolis : tout ça c’est du marketing. « Si la philosophie de la vape avait une philosophie de sevrage dans les débuts, cela a bien évolué, le sevrage n’a jamais consisté à déplacer une addiction mais la vaincre en tout et pour tout. Les vapoteurs sont tout aussi dépendants de leur e-cigarette qu’ils l’étaient auparavant de leurs cigarettes. Dans le cadre de notre politique de transformation, nous nous informons, nous nous formons.

Les buralistes deviennent spécialistes de ce nouveau produit qu’est la vape et ils sont – contrairement à ce qu’en disent certain – très bien placés pour vendre ce produit. Nous connaissons les habitudes de nos clients. Nous connaissons les spécificités des cigarettes et nous pouvons savoir quel e-liquide correspondra le mieux au client. Les fournisseurs se trompent de cibles : ils nous refusent de nous vendre leurs produits parce que nous sommes des buralistes. Mais ce qu’ils oublient, c’est qu’un client reviendra dans un commerce qui lui aura vendu un produit de qualité, et qui aura su bien le conseiller.

Le client fait confiance à l’humain et pas au statut du commerce. Sinon, ils iraient tous en pharmacie et pas dans en magasin et bureaux de tabac! Cette gue-guerre est stupide et elle donne une mauvaise image du business. A se tirer dans les pattes, les clients vont finir par penser qu’on est prêts à vendre n’importe quoi tant qu’on vend !!» Puis il reprend : « le bureau de tabac est un commerce de proximité, certain font de la restauration, vendent de la presse… et pourtant les distributeurs de presse ou Rungis ne nous ont jamais refusé des produits parce que nous avions un produit phare que nous étions seuls à vendre… ».

Cette discrimination prend origine surtout d’une guerre économique comme le  dit Gilles Rassant propriétaire d’un Vapstor à Lyon.

Gilles considère que les buralistes ne doivent pas vendre de la vape car ce n’est pas leur rôle. Il y a un problème quand la même personne vous vend le poison et l’antidote. Il pense qu’il est difficile de leur faire confiance et que leur seule motivation est l’argent. En effet, aujourd’hui estimé à 500 millions d’euros (fourchette basse), le marché de la vape fait beaucoup d’envieux.

Sylvain Heubert, directeur général de la Confédération des buralistes estime que les vapoteurs peuvent aller chez le buraliste pour des produits dits « standards » et que s’ils en ont besoin, ils peuvent aller dans les magasins spécialisés acheter des produits beaucoup plus recherchés, rares et sans doute nécessitant davantage d’expertise.

Les buralistes souhaitent s’adresser plutôt à une « clientèle de masse ».

Les liquidiers (fabricants d’e-liquides) adoptent des nouvelles stratégies tels que Nhoss et So good des marques qui ont décidés de ne vendre qu’exclusivement aux buralistes tandis que d’autres tels que VDLV ou Bordo2 qui refusent de vendre ouvertement aux buralistes. « Nous refusons de vendre aux buralistes car nous souhaitons conserver notre base de clientèle qui sont les magasins spécialisés » dit Céline Ybert (VDLV). Alors que certains liquidiers tels que Gaiatrend (Alfaliquid) et D’lice ont décidé d’ouvrir leur catalogue aux deux réseaux, tandis que d’autres ont décidé de faire les mêmes produits sous des appellations différentes pour séparer les deux réseaux distinctement comme Sunnysmoker avec la marque Pulp et Clarks.

Pour “ZED, le buraliste”, un blogueur et un passionné de vape, « c’est contreproductif de dupliquer des marques (pour le même produit) car les clients ne se soucient pas de chez qui le produit a été vendu, ce qu’ils souhaitent avant tout c’est d’avoir de bons conseillers capables de satisfaire leur attente qu’ils ont pour la vape. Cela crée de la confusion dans un marché déjà difficile. Le consommateur final devrait être le centre d’intérêt que ce soit de la part du buraliste que du vape shop. Mais au contraire, pris par les intérêts financiers de l’un ou de l’autre, le consommateur peut s’y perdre.

Le blogueur buraliste ajoute également que “parce qu’il est buraliste, certaines marques d’e-liquides refusent de lui vendre leur catalogue complet”. Gilles Rassant se dit profondément déçu par la politique menée par les e-liquidiers tels que Gaiatrend, des marques que nous avons propulsées vers le haut mais qui vendent « discrètement à des buralistes » dit-il. Selon lui, qui a déjà perdu une partie de sa clientèle en raison des buralistes implantés à côté de lui, beaucoup de vape shops ne pourront pas survivre les prochaines années si les buralistes continuent à se perfectionner et à acquérir davantage de connaissance en vape.

En effet, le réseau des buralistes intéresse particulièrement les acteurs principaux du marché de la vape : avec 24.500 bureaux de tabac en France et environ 10 millions de passages journaliers dans l’ensemble de ses commerces, le très grand potentiel de ce réseau est très mal vu par le réseau de vape shops. L’avantage du réseau n’est pas que par le nombre mais aussi par l’amplitude horaire. En effet, un bureau de tabac est souvent ouvert tôt le matin aux alentours de 7/8h (voire même 4h00 du matin pour certains d’entre eux) et ferme tard le soir tandis que les vapes shops ouvrent vers 10h00 et ferment vers 19h00, sans compter les fermetures les dimanches et jours fériés. Les craintes de Gilles Rassant peuvent effectivement être  comprises.

Le réseau des Buralistes se mobilise face à ces difficultés

Face à ces discriminations, le réseau des Buralistes se mobilise. Des labels de qualités  tels que VMB (anciennement Vapin’shop) se sont créés, tout comme B’Vape. Dsc Vape est d’ailleurs un grossiste dont les membres fondateurs proviennent du monde du tabac.

De plus en plus de formations sont organisées par les syndicats, des présentations, des accès aux salons leurs sont proposées. Des rencontres avec des marques, des témoignages de client renforcent leur connaissance du marché et les inscrits de plus en plus comme spécialistes du domaine.

DSC VAPE, un site e-commerce qui fera parler de lui, se lance dans la contre-attaque et souhaite stopper ce clivage buraliste/vape-shop. Avec des partenariats exclusifs de produits hauts de gamme et un accompagnement spécifique à chaque produit, la marque tend à revendre ses produits aux professionnels de la vape : qu’ils soient buralistes ou vape shops.

Pour Catherine, directrice de la société, « l’important reste la satisfaction du client final : il y a de la place pour tout le monde sur le marché. La seule différence se fera entre un bon et un mauvais conseiller. Il peut y avoir de mauvais ou de bons conseillers chez les buralistes tout comme des mauvais ou des bons conseillers chez les vapes shops, cela dépend de la personne que vous avez en face de vous. Ce clivage n’a aucun sens.Entre un revendeur de bons produits et un revendeur de mauvais produits. Le client est libre d’aller acheter où il le souhaite et où il se sent le mieux conseillé… ».

Et cela, Fadi l’a bien compris. Gérant d’un vape shop depuis 7 ans, son chiffre n’a cessé d’augmenter. Pour lui, ce qui fait la différence c’est le souci du détail, la qualité de produits et du conseil… Pour lui le marché de l’e-cigarette, c’est comme celui d’un commerce de proximité lambda, le client ira là où il se sent en confiance, bien conseillé et où on lui vend de la qualité.

Fadi refuse de créer de la concurrence dans un domaine en pleine expansion : « c’est de l’énergie dépensée pour rien ! », puis il reprend … « voyez à droite, un peu plus haut dans la rue, il y a deux autres shops et un tabac ! et pourtant, je suis très content de mon chiffre, mes clients sont extrêmement sympathiques et j’ai vraiment l’impression de leur apporter quelque chose de bien. Tout est benef’ pourtant nous sommes trois commerces à vendre de la cigarette électronique et des e-liquides ! »

Un pas en avant de la part des vape-shops ?

Comme Fadi de nombreux vapes shops se concentrent sur la qualité de vente et de produits. Géraldine, ancienne vendeuse dans un tabac parisien, vient d’ouvrir son vape shop : «j’ai gardé d’excellents contacts avec la profession des buralistes. Beaucoup veulent se diversifier suite à l’augmentation du prix du tabac et ils ont beaucoup d’idées ! Ils veulent transformer la profession en gardant l’essence de ce qu’ils ont toujours considéré comme le cœur du débit de tabac… un commerce de proximité. Je n’ai pas l’impression d’avoir fui la profession, au contraire, j’ai plus l’impression d’avoir monté une sorte de commerce de proximité mais spécialisé ! J’échange avec des amis buralistes sur le choix de mes produits, sur les erreurs à éviter, sur les nouvelles études… mais aussi avec d’autres gérants de vapes.

On est nombreux. Il y en a toujours pour mettre les uns et les autres en concurrence, ça crée de la tension, de l’exclusivité, de l’achat… c’est tout bénéf’ pour les distributeurs, mais c’est dommage, parce qu’au final ça lèse le client final qui passe peut-être à côté de super produits, parce qu’on lui a dit qu’il valait mieux acheter dans tel type d’enseigne ou dans tel autre… c’est bête parce qu’au final il ira pour le statut de la boutique et pas pour la qualité du service qu’il y trouvera.

Enfin, lorsque le marché évoluera, pourrons nous dire que le buraliste sera un concurrent ou un confrère du vape shop ?

(https://ecigintelligence.com/vape-stores-and-tobacconists-locked-in-battle-for-the-french-market/